Pourquoi ce blog ? Histoire d'une éducation (3)

Publié le par Nicole Gallinaro

     Souvent la rentrée à la maternelle est perçue comme un simple prolongement de la crèche, le souci étant, et je le dis de façon non péjorative, d’économiser les frais devenus pesants de la garderie. On se réjouit vaguement des événements positifs qui accompagnent cette prise de contact avec le milieu scolaire, l’enfant est nécessairement propre, ce qui après de longs mois de couches est un réel soulagement. Par ailleurs, il va découvrir une nouvelle « société », celle de sa classe, bien orchestrée par une maîtresse attentive à fixer les règles du comportement social.
     C’est en général en moyenne section qu’il commence à vouloir lire les enseignes des magasins, les affiches dans la rue et qu’il s’empare des livres qui sont à sa portée pour s’y consacrer avec un sérieux inébranlable. Certains parents se contentent d’en sourire, la plaisanterie la plus courante consistant à s’amuser du fait qu’il prend les livres à l’envers et s’y plonge avec délectation faisant semblant de lire. D’autres se renseignent alors fébrilement, pour trouver la meilleure méthode pour leur apprendre la lecture, et nous avons très souvent conseillé des ouvrages à des parents que le zèle instructeur n’avait pas abandonné, en ayant cependant bien soin de les mettre en garde contre le risque d’ennui qui guettait leur enfant s’il savait lire deux ans avant les autres.  Il est très intéressant de remarquer qu’aucun n’a mené à bien la tache envisagée et le livre d’apprentissage est resté dans un tiroir. Sans doute ont-ils renoncé car, même si la tache est aisée, elle demande dès le début une grande rigueur et surtout une énergique persévérance de façon à ce que l’enfant, encouragé par ses progrès, ait envie de continuer. Notre quotidien est souvent trop agité pour que les parents prennent le temps, de façon régulière, de consacrer un moment chaque jour à ces leçons. Dès lors que cela se fait un peu au hasard, sans organisation, voire sans cérémonial, l’enfant se lasse, et les progrès se font attendre. Tout le monde se décourage, et on se dit que finalement l’école fera cela mieux que vous !
 
 
     Ma propre expérience est à cet égard révélatrice. Lorsque j’étais petite la scolarisation était moins précoce qu’aujourd’hui, et ma mère s’amusait tellement avec moi que je la soupçonne d’avoir oublié de m’y inscrire. Lorsqu’ arriva l’année de mes 6 ans, je suis du mois de décembre, elle s’ avisa brusquement vers le mois de mars qu’il faudrait m’inscrire à la rentré prochaine au cours préparatoire et que je n’avais aucune expérience de l’école. Elle m’inscrivit en toute hâte en maternelle. J’en conserve une impression bizarre, le seul souvenir marquant étant celui de la cour de récréation emplie de gamins ayant des  pansements autour de la tête. Les garçons se battaient, ou faisaient tomber les filles. Il est certain que cette école n’était sans doute pas aussi violente qu’il m’a semblé alors, mais ce premier essai de sociabilisation tardive m’a fait l’effet de la découverte d’un monde brutal. Je devais avoir l’air particulièrement vulnérable car un petit dur me prit sous sa protection et entrepris de me venger dès que quelqu’autre garnement s’attaquait à moi. Il en fut pour de superbes bandages autour du front, qu’il arborait avec toute sa fierté de chevalier servant.
 
 
     J’y allais en fait très rarement, m’ennuyais ferme en dessinant des bâtons d’une main maladroite (maman m’avait appris beaucoup de choses, mais pas à tenir un crayon), et n’ai pas souvenir d’y avoir fait quoi que ce soit, hormis la sieste, autre coutume étrange que je découvris à cette occasion. Toujours est-il qu’au mois de juin, la maîtresse vint voir ma mère à la maison (oui, oui, elle se déplaça) et lui suggéra pour la rentrée prochaine de me faire « sauter » le cours préparatoire, classe selon elle bien inutile pour moi car on ne faisait qu’y apprendre à lire. Ma mère prit l’engagement de m’apprendre pendant les vacances, reçu de la maîtresse un superbe manuel de lecture qui parlait de l’ours Michka, et fut très flattée de cette intervention. Mais elle oublia totalement sa promesse, et ce ne fut que lorsqu’arriva la rentrée, qu’elle me fit avaler l’histoire de Michka à une allure défiant toutes les méthodes classiques de lecture. Le 1er septembre, je savais lire, tant bien que mal, toujours pas tenir un crayon, mais j’étais parée pour affronter un CE1. C’est vrai que je ne ressentis aucune difficulté durant cette première véritable année d’école, et que je fus très vite au niveau requis. Mis à part que j’écrivis comme un chat durant plus de dix ans, et que je ressentis toujours le malaise d’être « à part », plus jeune (j’avais finalement deux d’avance à cause de ma naissance en décembre), la seule véritable mésaventure fut celle qui m’arriva le jour de la rentrée. La maîtresse, soucieuse de tester le niveau de ses troupes, entrepris de faire réciter l’alphabet à chacun des enfants de la classe. Alphabet avez-vous dit ? Maman avait encore oublié cela dans mon éducation, et je me demandais bien ce qu’était cette chose là, déjà paniquée d’avoir à avouer mon ignorance. Fort heureusement elle commença à faire  réciter l’autre bout de la classe et mon tour ne vine qu’en dernier. Cela m’avait laissé le temps de retenir cette litanie étrange, et de la réciter impeccablement, très fière de mon exploit.
     Ma mère faisait de toute évidence partie de ces mamans enthousiastes mais désordonnées dont parlent les Doman dans leur livre « J’apprends à lire à mon bébé, la révolution douce » que la marraine de Marie m’offrit quand celle-ci eut 3 ans. Les auteurs classent les mamans en deux groupes, les « follettes » qui font tout en s’amusant, et les autres, les prudentes, qui prennent leur tache trop au sérieux. Et ils remarquent que les premières réussissent bien mieux, même si les secondes obtiennent des résultats très honorables. Il faut croire qu’armée de ce livre, je fus parfaitement incompétente, car je ne parvins pas à grand chose avec Marie au moyen de leur méthode. Je fabriquai un grand nombre de cartons comportant des mots affectivement positifs, maman, papa, lapin ou autre ours… Je les lui montrai avec constance mais sans doute sans conviction car elle ne progressa nullement et j’abandonnai vite la méthode, moi aussi. C’était sans doute trop tôt en fait, quoiqu’en disent les auteurs qui prônent avec un enthousiasme communicatif cette découverte dès le berceau.
                                  
Quelques liens sur la méthode Doman (méthode que je n'ai donc pas su utiliser, et que certains contestent fort !)
Le site officiel de Glenn Doman
quelques pages sont en français :
 
Un forum sur le thème apprendre à lire à son bébé
L'apprentissage précoce de la lecture : une erreur ou une chance ?
 
 
Catherine Annoot-Dionisi est mère d'un enfant de sept ans à qui elle a appris à lire en utilisant la méthode Doman.
 
 
Copyright information : Article tiré de la revue Ecole et Parents N° 2, publié avec son accord.

Publié dans fandelou

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